(Suite et fin de l'article précédent)
Julien, quant à lui, continua les combats...
Suite des messages écrits par Julien :
(carte postale associée au texte ci-dessous ; cliquez dessus pour l'agrandir)
* * *
Grenoble, le 22 août 1915
Cher frère,
Une grosse caresse, Julien.
(carte postale associée au texte ci-dessous ; cliquez dessus pour l'agrandir)
* * *
Renage, 24 aout 1915
Chers parents,
Je
viens vous donner un peu de ma santé et de mon appétit. Je vous dirais
que tout va pour le mieux et que je ne pense qu’à la maison. Dagon m’a
écrit, il est à Chambéry et me dit qu’il va bien. Dans votre prochaine
lettre, vous me direz un peu les trains qu’il y a maintenant pour être
renseigné lorsque je partirai. Je ne sais pas encore quand. Donnez le
bonjour à la famille Gamoty et Bourba.
Votre fils qui vous embrasse, Julien Grangeon.
Julien Grangeon, 163ème régiment d’infanterie, 26ème compagnie Nice
10 octobre 1915
Chers parents,
Je
pense que vous devez avoir reçu les deux lettres que je vous ai envoyé.
Aujourd’hui, j’ai rencontré Bastidon et deviner qui est à Villefranche.
Donnez le bonjour à tous les amis.
Votre fils qui vous embrasse, Julien Grangeon.
* * *
Julien Grangeon, 163ème régiment d’infanterie, 32ème compagnie Cagnes
9 novembre 1915
Chers parents,
Depuis quelques jours je n’ai
rien reçu. Je pense qu’elles doivent avoir eu du retard comme j’ai
changé de compagnie. Vous me direz si vous m’avez envoyé de l’argent.
Donnez le bonjour aux amis et parents.
Votre fils qui vous embrasse, Julien Grangeon.
(cartes postales associée aux textes ci-dessous ; cliquez dessus pour les agrandir)
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Lorraine, 10 décembre 1915
Chers parents,
J’ai
reçu hier soir votre lettre du 5 qui m’a fait bien plaisir. Vous me
dites qu’il y a quelques jours que vous n’avez pas reçu de mes
nouvelles, c’est qu’il arrive qu’aux tranchées, on a toujours les mains
pleines de boue et pour écrire on ne peut pas toujours. Je vous ai dit
sur ma lettre de hier que j’avais reçu les deux paquets, le saucisson
est excellent. Au sujet des colis, tu peux envoyer du beurre et du
chocolat. Et des pâtés lorsque tu en feras car j’en ai gardé un bon
souvenir. Je regrette beaucoup de ne pas être à la maison pour pouvoir
vous aider à laver car maintenant je suis très fort pour cela. Voilà
deux jours que je ne fais que laver depuis la capote jusqu’aux
chaussettes.
Suite (sur la deuxième carte postale)
Le
nombre de côtelettes à encore augmenté, je ne sais si je pourrais
toutes les payer. Envoyez-moi dans les prochains colis des attaches de
bretelles, celles qui se fixent au bouton et qui passe sur la roulette.
Il m’en faut trois. Je termine en vous envoyant mes plus affectueuses
caresses.
Votre fils, Julien Grangeon.
Les
cartes représentent le pays devant lequel nos tranchées se trouvent,
une représentation avant la guerre. La maison marquée d’une croix est
celle ou je couche était aux pionniers, nous couchons dans la cave.
(carte postale associée au texte ci-dessous ; cliquez dessus pour l'agrandir)
* * *
Le 13 février 1916
Chères sœurs,
Deux
mots pour vous donner un peu de mes nouvelles qui sont toujours bonnes
et je pense qu’à la maison il doit en être de même. Vous avez sur la
carte, la photographie d’un poilu du front, seulement on est un peu
moins propre. Donnez le bonjour à toute la famille ainsi qu’aux amis et
voisins.
Recevez de votre frère ses meilleures caresses, Julien.
* * *
Et
à son tour, comme son frère avant lui, Julien fut fait prisonnier et
transféré dans un camp de concentration « Geissen », en Allemagne :
(cliquez dessus la carte postale, ci-dessus, pour l'agrandir)
(cartes postales du camp de concentration « Geissen », datées 1916 et envoyées à ses parents avec pour tout texte : « Julien Grangeon, matricule 754, 7ème compagnie, détachement 2587 ».)
* * *
Les années suivantes, là encore, seules quelques photos permirent à la famille de Julien de savoir qu’il était encore vivant :
Enfin, la fin de la guerre fut déclaré en novembre 1918.
Message de Julien :
Metz, 6 décembre 1918
Chers parents,
Je
suis arrivé hier à Metz venant de Giessen en bonne santé. Je pense que
Gabriel doit être rentré aussi ou en tout cas, il ne va pas tardé.
J’espère être avec vous d’ici une huitaine.
En attendant, recevez chers parents mes plus affectueuses caresses, Julien.
...
Gabriel rentrera finalement chez lui sain et sauf, revoyant enfin ses proches.
Quant
à Julien, lui aussi retrouva sa famille. Cependant, peu de temps après
son retour, il s’engagea comme infirmier à bord du navire hôpital « La
Fayette », basé à Toulon. Ainsi, il parcouru le monde, les mers, accosta
sur différents rivages et vu de nombreux pays dévastés par la guerre,
avant de se fixer dans son foyer.
Pourtant,
tous deux eurent la chance de revenir indemnes -sans séquelles
irréversibles- à l’inverse de tant d’autres. Ainsi, ils purent
poursuivre le cours de leur vie et même plus tard, se marier, avoir des
enfants.
Voilà
la fin ce pan d’histoire familial... voilà tout ce qui reste de la
difficile et douloureuse expérience de mes grands-oncles paternels.
Ces quelques photos et cartes postales furent conservées par leurs sœurs Marguerite
et Rose, puis par leur nièce (ma mère) et enfin par moi-même. Car, même
des années plus tard, mes grands-oncles refusèrent obstinément de
parler (même à leurs proches), de se replonger dans ces années de
combats et d’emprisonnements.
Heureusement,
d’autres purent témoigner afin que les conséquences de cette Grande
Guerre perdurent dans les mémoires des générations suivantes.